Malheureusement les choses sont ainsi, et il faut faire avec.
Le plus difficile au début de la maladie n’a pas été le jour du diagnostic, mais bien avant.
J’étais partie pour parler de la manière dont me traitait mon mari, mais je me suis rendue compte qu’il avait raison, que j’avais beaucoup de colère en moi. Je lui en veux beaucoup pour ne pas affronter la maladie comme je l’aurais souhaité.
J’avais déjà des symptômes depuis le mois de mars, mais ni les examens, ni les spécialistes n’avaient pu me renseigner davantage, et l’ostéopathe m’avait conseillé d’attendre la fin des vacances d’été pour faire des examens supplémentaires.
C’est donc le jour de la rentrée que j’ai eu mon premier rendez-vous avec un neurologue, les symptômes s’étant aggravés pendant les vacances. Non seulement ce spécialiste m’a fait extrêmement mal, mais il m’a laissé repartir sans autres informations, me laissant même encore plus désemparée puisqu’il m’a dit alors : « effectivement il y a un problème, mais ça peut n’être rien, tout comme ça peut être très grave ».
Inutile de dire que le week-end qui a suivi a été horrible.
Loan, mon fils de 3ans, venait de commencer l’école. C’était sa première année, et il a dû sentir le stress ambiant. Sa première semaine a été catastrophique. Il n’était pas complètement propre à l’époque, et le stress, le changement, la fatigue font que le vendredi suivant, il se retenait d’uriner jusqu’à se faire du mal et ne plus arriver à uriner normalement. Nous avons eu très peur car il a fait une forte fièvre le samedi soir, et nous avons passé la nuit à l’hôpital.
Je crois que ça a été le pire moment de cette maladie, c’est là où j’ai vraiment pensé à l’avenir et à mon loulou. Avec David, mon mari, nous étions soudés et nous avons beaucoup pleuré. Bizarrement ça me rassurait de le voir partager ma peine. Ça a été de plus en plus rare par la suite car David ne supporte pas les pleurs. Ni les miens, ni ceux de Loan.
Comme je n’avais pas d’autre rendez-vous de prévu avec ce neurologue, au bout de 2 mois, les symptômes s’aggravant, je suis allée en voir une autre, réputée. Cette dernière ne s’est pas avancée sur le diagnostic, mais m’a recommandé à un de ses confrères, spécialiste de la maladie de Charcot.
Déjà là, je commençais à cibler un peu mieux ce dont j’étais atteinte, et bizarrement je me sentais moins inquiète, plus en mode ” combattante “.
J’ai rapidement eu le rendez-vous avec le neurologue. Et tout s’est enchaîné, examens et visites. Le diagnostic final a été plus long, mais quel soulagement de savoir ce que j’avais.
L’impression que j’ai eue en sortant, c’était que je me lançais dans un rude combat.
Je ne me suis jamais sentie perdue. Pour moi il s’agissait d’une épreuve, rien de plus. Et les pleurs ne sont qu’une manière d’évacuer un surplus de stress.
Le combat a commencé car j’en étais à un an depuis le début des symptômes. Le bras droit ne fonctionnait quasiment plus, et ma jambe droite commençait à boiter. Je continuais à donner des cours de peintures, mais cela devenait difficile pour moi de montrer comment faire. Et j’avais de plus en plus de mal à démarrer la voiture avec ma main droite paralysée.
Je marchais de plus en plus mal, et les chutes ont commencé l’été qui a suivi, une à Leucate en arrivant, puis d’autres, plus ou moins violentes, suivant que je tombais en avant ou en arrière.
Une fois je me suis éclaté le nez en voulant gronder Loan, sans faire attention à mon équilibre. Sans les bras pour me protéger, c’est le nez qui a pris, ainsi que les dents. J’étais en pleurs et Loan riait en me disant ” c’est bien fait ! “.
Cela devenait de plus en plus difficile de suivre Loan partout et plusieurs fois je me suis retrouvée par terre avec lui seul pour m’aider, mais du haut de ses 4 ans, il n’avait pas assez de force pour me relever. Il criait : ” vas-y maman, lève tes fesses ! “, mais je n’y arrivais plus.
Mais ma plus grande douleur, c’est celle du cœur. Chaque soir, je pensais à l’avenir, et je me disais que je ne verrais pas mon fils grandir. J’avais déjà tant de mal à le tenir dans mes bras !!
C’est à la rentrée suivante que je me suis intéressée aux appareils pour monter les escaliers. Nous habitions un troisième étage sans ascenseur. David a trouvé que je m’y prenais trop tôt.
Mais tout comme pour le dossier d’aides à domicile, je savais que les démarches prenaient du temps. Je m’étais occupée de tout pour l’instant, essayant d’anticiper pour éviter à David toutes les démarches administratives. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à trouver David un peu négatif vis à vis de la maladie. Il ronchonnait de plus en plus en rentrant du boulot, et quand je lui demandais de l’aide pour les démarches administratives, il freinait des deux pieds.
Mon auxiliaire, Poppy, m’aidait beaucoup pour adapter les outils (peinture et ordinateur) , lui semblait résigné : « à quoi bon ? Est-ce que c’est vraiment nécessaire ? » m’a-t-il demandé un jour, en parlant de l’eye mobile. Alors que j’étais toute heureuse de savoir que je pourrais continuer à communiquer.
Alors que je m’étais occupée de tout pour les travaux de la salle de bain (devis, visites , dossiers mdph et anah) , je commençais à être très fatiguée et j’aurais aimé avoir de l’aide de sa part. Mais il a laissé traîner.
J’ai vraiment commencé à me sentir seule.
Perdre le contrôle de mon corps a été très difficile, mais perdre la parole, plus dur encore.
Le passage au fauteuil roulant électrique s’est fait relativement sans douleur. Cela a même été un soulagement pour moi, car je commençais à craindre les chutes.
C’était pour moi un stress énorme, et la crainte de me casser quelque chose, qui me laisserait encore plus handicapée.
J’ai vraiment des moments de panique, que je ne contrôle pas quand je n’arrive pas à me faire comprendre. Je n’ai jamais été claustrophobe, mais je pense que la sensation est la même.
D’autant plus quand je suis dans une position qui me fait mal, et que je n’arrive pas à me faire comprendre. Et plus je panique, moins je suis compréhensible. Cela finit en crise de larmes et je deviens parfois agressive.
En mai 2016, je suis partie du domicile familial. D’une part, parce que les relations avec mon mari, étaient devenues compliquées, et aussi parce que je voulais les laisser tous les deux hors de la maladie. J’espérais que mon fils continuerait à venir me voir, mais je n’en avais aucune certitude.
Pourtant cet éloignement a fait du bien à tous. Mon fils a trouvé un équilibre entre le petit appartement avec jardin, que mes amies m’ont trouvé et mon mari s’est à nouveau, rapproché de moi.
Aujourd’hui j’en suis à sept ans après les premiers symptômes. Je ne peux plus bouger, ni parler, et je suis alimentée par gastrostomie.
Mon fils, même s’il s’est habitué à la maladie, ne cesse de dire que ça serait bien que je guérisse. Et moi, je garde espoir.